Les graves inondations ces dernières semaines au Liberia ont poussé un groupe de sénateurs à proposer la création d’une nouvelle capitale loin de Monrovia, surpeuplée et mal gérée, une idée accueillie à la fois avec enthousiasme et scepticisme dans ce petit pays, l’un des plus pauvres au monde.
Des inondations soudaines provoquées par des pluies torrentielles entre fin juin et début juillet ont laissé près de 50.000 Libériens dans une situation d’urgence, selon l’agence nationale de gestion des catastrophes. La capitale Monrovia, sujette aux inondations depuis plusieurs années, a été particulièrement touchée, en partie à cause de la surpopulation, d’un mauvais système d’égouts et d’un manque de réglementation en matière de construction.
Une commission mixte du Sénat a suggéré début juillet la création d’une nouvelle capitale, lors d’une réunion pour discuter du problème persistant des inondations. « C’est une bonne idée, car notre capitale actuelle est un véritable gâchis », estime à Monrovia Chris Kpewudu, un jeune conducteur de moto. « Il y a des ordures partout dans la ville et lorsqu’il pleut, il y a des inondations partout, mais avec une nouvelle ville, elle sera bien aménagée et notre capitale pourrait ressembler à Abuja », la capitale du Nigeria.
« Pas de solution miracle »
Abuja est, avec Dodoma en Tanzanie et Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, l’une des rares nouvelles capitales africaines créées par des dirigeants vers la fin du XXe siècle. Les trois villes occupent des positions géographiques centrales dans leurs pays respectifs.
Pôle économique, politique et culturel du pays, Monrovia se trouve sur la côte atlantique occidentale du Liberia et compte plus de 1,5 million d’habitants. Elle abrite le principal port du pays, point de départ de ses exportations, notamment le minerai de fer, le caoutchouc et le bois, vers les États-Unis et l’Europe. Mais la ville est accablée par une population en constante augmentation alors que ses infrastructures en mauvais état ont du mal à suivre.
Le ministre des Travaux publics est en train d’examiner attentivement la proposition de la commission sénatoriale mixte, a affirmé à l’AFP le directeur de la communication du ministère des Travaux, T. Benjamin Myers.
M. Myers précise toutefois qu’aucun lieu précis n’est pour le moment prévu pour le déménagement. « La construction d’une nouvelle ville nécessite des capitaux importants « , souligne-t-il. « Notre budget national est encore de l’ordre de 600 millions de dollars. Aussi, la construction d’une nouvelle ville nécessitera de prendre sérieusement en compte de nombreux facteurs d’ordre technique, financier et économique », explique-t-il à l’AFP.
La proposition de remplacer la capitale n’est pas nouvelle dans la plus ancienne république d’Afrique. En 2012, la présidente de l’époque, Ellen Johnson Sirleaf, avait suggéré de déplacer Monrovia vers une nouvelle ville appelée Zekepa, dans le centre du pays.
« Nous étions toutes enthousiastes et attendions cela avec impatience. Malheureusement, nous n’avons même jamais vu de plan montrant à quoi ressemblerait la ville », se rappelle Marayah Fyneah, coordinatrice du programme Liberian Women’s Legislative Caucus. Mme Fyneah se dit depuis sceptique quant à l’éventualité d’une nouvelle capitale libérienne de son vivant.
Comme elle, plusieurs habitants interrogés par l’AFP se sont également montrés dubitatifs, estimant que le gouvernement devrait d’abord donner la priorité à l’amélioration des infrastructures et à la lutte contre la pauvreté avant de chercher une nouvelle capitale. Les experts ont également mis en garde contre l’ampleur de la planification urbaine nécessaire à la création d’une nouvelle capitale viable.
La création d’une nouvelle ville n’est pas une « solution miracle », prévient Christopher Wallace, professeur d’économie à l’université du Liberia. « Il faut prendre en compte les activités économiques qui rendraient l’économie dynamique dans cette zone, en plus de procéder à un zonage pour avoir un plan clair de ce à quoi ressemblera une telle ville », analyse-t-il.
Avec AFP