En réalisant une percée lors des élections municipales de dimanche en Turquie, le parti islamiste Yeniden Refah a participé à la défaite de l’AKP, faisant perdre au parti présidentiel plusieurs villes importantes comme Istanbul et Ankara.
Les ultraconservateurs progressent en Turquie. Le parti islamiste Yeniden Refah (Nouveau parti de la prospérité, YRP) a effectué dimanche 31 mars, à la faveur des élections municipales, une percée au détriment du parti au pouvoir, l’AKP du président turc Recep Tayyip Erdogan.
La formation, considérée comme une des causes de la débâcle de l’AKP, s’est imposée comme la troisième force de ces municipales, réunissant 6,2 % des voix au niveau national.
Créé en 2018, le Yeniden Refah revendique l’héritage de Necmettin Erbakan, l’influent politicien et mentor du jeune Erdogan, qui a lancé à la fin des années 1960 le mouvement islamiste Milli Gorus (Vision nationale), inspirateur de nombreux partis et associations en Turquie et au sein de la diaspora turque en France et en Allemagne.
Recep Tayyip Erdogan, alors âgé de 21 ans, a fait ses premiers pas en politique au sein de ce parti et c’est avec l’aide de son mentor, Necmettin Erbakan, qu’il remporte en 1994 la mairie d’Istanbul, sous les couleurs du parti Refah.
Mais ses relations avec son père spirituel se détériorent lorsqu’Erdogan et ses compagnons tentent de le détrôner, puis quand ils créent en 2002 l’AKP, le Parti de la justice et du développement, le privant de son influence d’antan.
Fatih Erbakan, l’un des fils du « hodja » (« professeur »), relance en 2018 le parti de son père, décédé en 2011, sous le nom de Yeniden Refah. En contribuant au revers subi dimanche par le président Erdogan, le fils Erbakan a vengé son père, jugent certains observateurs.
Guerre à Gaza et inflation au centre de la campagne
Le Yeniden Refah défend une vision islamo-conservatrice du monde plus rigide que celle de l’AKP, qui privilégie « la morale et les valeurs spirituelles ».
« Nous fermerons les associations LGBT+ lorsque nous serons au pouvoir. C’est une hérésie interdite dans toutes les religions », a ainsi lancé son chef.
Le parti s’oppose aussi au féminisme et a défendu le retrait, en 2021, de la Turquie de la Convention d’Istanbul, qui vise à lutter contre les violences faites aux femmes.
S’opposant aux taux d’intérêt qu’il voit comme un taux d’usure contraire à l’islam, le parti s’est surtout fait connaître ces derniers mois en dénonçant le maintien des relations commerciales entre la Turquie et Israël en dépit de la guerre à Gaza.
« Si le gouvernement met fin au commerce avec Israël, ferme la station radar de Malatya (installée en 2012 par l’Otan, dont la Turquie est membre, NDLR) qui protège Israël et double les retraites à 20 000 livres turques (580 euros), nous sommes prêts à retirer notre candidature à Istanbul », avait prévenu Fatih Erbakan à quelques jours du scrutin.
Selon des analystes, le Yeniden Refah a remporté de nombreuses voix en plaçant la guerre à Gaza et l’inflation – 67,1 % sur un an – au centre de sa campagne.
Futur allié d’Erdogan ?
Le Yeniden Refah, qui avait soutenu le président Erdogan lors de l’élection présidentielle de 2023, a remporté dimanche deux provinces, Sanliurfa (sud-est) et Yozgat (centre), qui étaient dirigées par des maires AKP.
Avec 6,2 % des voix au niveau national, il fait mieux que le partenaire de coalition du président Erdogan, le MHP (Parti d’action nationaliste), plafonné à 5 %.
« Il ne faut pas faire confiance à ceux qui tentent de nous faire perdre, même s’ils ont été à nos côtés pendant un temps », avait alerté Recep Tayyip Erdogan.
Compte tenu des résultats des municipales, le président turc pourrait toutefois être tenté de renouer avec son ancien allié, estiment des observateurs.
Avec AFP