Au Sénégal, la question est sur toutes les lèvres depuis que le leader de Pastef Les patriotes, Ousmane Sonko, est arrêté mercredi puis placé en garde-à-vue pour trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée. A trois ans de la prochaine présidentielle de 2024, l’opposition sénégalaise fait face à des difficultés.
Recevant des politiciens qui ont rejoint son camp en avril 2015, Macky Sall promettait devant la presse de « réduire l’opposition sénégalaise à sa plus simple expression. » Six ans plus tard, cette promesse semble être tenue. Les principaux opposants au président du Sénégal ont eu maille à partir avec la justice ou ont rejoint le camp de la majorité présidentielle.
Avant Ousmane Sonko, ancien inspecteur des impôts radié en 2016, Karim Wade et Khalifa Sall sont tous passés par la case prison. Idrissa Seck, arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, est pour sa part un des principaux alliés de Macky Sall. Il préside le Conseil économique social et environnemental et est la 3ème personnalité de l’Etat sénégalais.
Karim Wade
Le fils d’Abdoulaye Wade est le premier à avoir affaire à la justice un an après l’arrivée au pouvoir de Macky Sall. Dans une volonté de reddition des comptes, le président nouvellement élu remet en service la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction créée dans les années 1980 par Abdou Diouf
Arrêté en avril, l’ancien banquier à Londres est condamné deux ans plus tard en mars 2015 à 6 ans de prison pour enrichissement illicite. Il ne purgera qu’une partie de sa peine car il sera gracié en juin 2016. Dés sa sortie de prison, il part en exil au Qatar où il vit depuis. Politiquement, il s’active toujours et souhaite perpétuer l’héritage de son père, fondateur et toujours secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (PDS) à 92 ans. Toutefois, sa condamnation l’a empêché de participer à la présidentielle de 2019. Son dossier avait été rejeté par le Conseil constitutionnel sénégalais.
Khalifa Ababacar Sall
Le maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, bien que membre du Parti socialiste, un des principaux allié du président Macky Sall, a toutefois eu des démêlés avec la justice en 2017.
Il a été arrêté en mars 2017 pour détournement de deniers publics dans l’affaire dite de la caisse d’avance. Il est condamné un an plus tard à 5 ans de prison ferme. Après plus de deux ans de prison, il bénéficie d’une grâce présidentielle et est libéré en 2019. Mais comme Karim Wade, il a vu ses ambitions présidentielles réduites à néant en raison du rejet de sa candidature par le Conseil constitutionnel. Ils ont tous les deux été radiés des listes électorales après leurs condamnations.
Allié de Macky Sall au deuxième tour de la présidentielle de 2012 contre Abdoulaye Wade, Idrissa Seck a rompu avec le président nouvellement élu en 2013. De leur rupture à la présidentielle de 2019, Idrissa Seck était une figure centrale de l’opposition à Macky Sall. Mais depuis quelques temps, les deux anciens alliés ont renoué. Arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, Idrissa Seck a rejoint la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar et est désormais la 3ème personnalité de l’Etat du Sénégal en tant que président du Conseil économique social et environnemental.
Ousmane Sonko
Avec l’arrestation du président de Pastef, Ousmane Sonko, l’opposition sénégalaise perd un de ses leaders les plus en vue. C’est un de ses remparts qui tombent. Accusé de viols et menaces de mort par une jeune femme de 21 ans, masseuse dans un institut de beauté, Ousmane Sonko a été arrêté et placé en garde-à-vue mercredi pour trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée. Dans une série de déclarations publiques, il a nié les faits qui lui sont reprochés et soutenu que c’est un complot ourdi par le président Macky Sall. Ce dernier a démenti toute implication dans « cette affaire privée ».
Aminata Touré
L’ancienne Premier ministre et ancienne présidente du Conseil économique social et environnementale n’a pas démissionné du parti présidentielle, l’Alliance pour la République, après son limogeage en 2020 mais elle a de plus en plus un discours critique vis-à-vis de Macky Sall.
Elle a été remplacée par le nouvel allié de Macky Sall, Idrissa Seck, et ne semble pas apprécier le rapprochement entre les deux. Même si elle n’a pas encore officiellement rompu avec la mouvance présidentielle, beaucoup d’observateurs considèrent qu’elle se positionne de plus en plus comme une opposante à Macky Sall.
C’est un ancien ministre des Infrastructures et des Transports terrestre et du Désenclavement entre octobre 2012 et juillet 2014 et de l`Énergie entre 2014 et 2017. Thierno Alassane Sall a aussi été le président des cadres de l’Alliance pour la République (APR), le parti présidentiel de sa création en 2008 jusqu’à sa démission en 2017.
L’ingénieur en télécommunications et en aviation civile a quitté ses fonctions de ministre à la suite d’un désaccord avec Macky Sall sur l’attribution de blocs gaziers à la multinationale française Total. Dissident de l’APR, Thierno Alassane Sall crée son mouvement politique, la République des Valeurs, en 2017 et devient un opposant à Macky Sall. Il n’a pas pu participer à la présidentielle de 2019. Son dossier a été rejeté pour défaut de parrainage.
Abdoul Mbaye
Ancien Premier ministre de 2012 à 2013, le banquier sera remplacé par Aminata Touré. Il crée par la suite en 2016 son parti politique l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT). Abdoul Mbaye est l’un des critiques les plus durs contre les politiques de Macky Sall. Bien que souhaitant participer à la présidentielle de 2019, il a été recalé par le Conseil constitutionnel.
Malick Gackou
Ancien ministre des Sport et aussi du Commerce, il démissionne en 2013 du gouvernement et de l’Alliance des Forces de progrès, une formation politique dirigée par l’actuel président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse. EN 2015, il crée le Grand parti et devient un opposant à Macky Sall. Sur le plan local, il a comme adversaire Aliou Sall, frère du président et maire de Guédiawaye, fief politique de Malick Gackou dans la banlieue dakaroise. Comme beaucoup d’hommes politiques sénégalais, M. Gackou n’a pas participé à la présidentielle de 2019 en raison du parrainage.
Cheikh Bamba Dièye
Maire de Saint Louis de 2009 à 2014, Cheikh Bamba Dièye était aussi ministre de la Communication et des Télécommunications de 2012 à 2014, année de sa démission. Il est depuis un opposant radical à Macky Sall. Avec l’ancien ministre libéral Moustapha Guirassy, il fait partie des députés qui se sont insurgés contre la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko. Sa candidature à la présidentielle de 2019 a été rejetée par le Conseil constitutionnel pour défaut de parrainages. A Saint-Louis, il s’oppose au maire de la ville Mansour Faye, beau-frère du président.
Avec BBC